Selon l'Ambassadeur américain Niels Marquardt, la communauté internationale exige du régime transitoire et de la Haute Autorité de l'Etat que l'élection présidentielle anticipée soit organisée avant la fin de cette année et une mission d'évaluation conjointe avec les Nations unies, l'Union africaine et la Communauté de développement de l'Afrique australe (Sadc) vienda à Madagascar pour voir de près la faisabilité de la tenue de cette élection. Mais d'autres sujets ont été abordés lors d'une interview.
+ La Vérité : Monsieur l'Ambassadeur, il y a d'abord une question qui brûle les lèvres de tous les lecteurs. Votre rencontre avec Manandafy Rakotonirina a été annoncée samedi et jusqu'ici, (nldr : hier mardi) elle n'a pas encore eu lieu. Pourquoi ?
= Ambassadeur Niels Marquardt : « Effectivement, Manandafy Rakotonirina m'a invité à une rencontre et j'ai accepté cette invitation parce qu'il fait partie des acteurs politiques malgaches et parce que je le connais depuis longtemps. Pour samedi dernier, toutes les conditions propices n'étaient pas réunies pour une rencontre sereine, d'ailleurs par la suite, il y avait beaucoup d'activités autour de l'hôtel Carlton. Je suis prêt à continuer le dialogue quand je le vois utile ».
+ : Quelle est votre appréciation sur la situation actuelle, notamment après la prise de pouvoir de la Hat ?
= : « La situation reste instable. C'est vrai que nous avons connu une relative accalmie depuis quelques semaines, mais je suis très inquiet sur le niveau des intimidations puisque des gens sont toujours menacés, des officiers militaires qui ont travaillé étroitement avec les anciens dirigeants, des journalistes et même de simples gens. Chaque jour, je reçois des appels téléphoniques à ce sujet. Avant-hier, nous avons vu une nouvelle descente vers la violence et la tuerie refait surface. Il y a un climat d'insécurité qui règne dans le pays. C'est très inquiétant. On a aussi constaté que des mesures ont été prises comme la libération des criminels. On ne peut que condamner cette situation extrajudiciaire qui nous laisse perplexe. Pour la gestion de la Hat, je suis plutôt préoccupé notamment concernant la suspension du Parlement car ce sont des élus du peuple. De même pour les assises nationales qui ont été organisées unilatéralement alors cela aurait dû être fait de manière consensuelle ».
+ : Vous êtes parmi les diplomates qui avaient reçu la lettre de démission de Marc Ravalomanana. Et avez-vous vu une arme pointée sur sa tête quand il a démissionné ?
= : « C'est faux ! Pour ce qui s'était passé le 17 mars dernier. J'étais deux fois à Iavoloha, nous n'avons pas vu la présence de militaires, ni de véhicules militaires. En un mot, je n'avais vu aucun soldat, Marc Ravalomanana a démissionné et c'était à nous qu'il a remis sa démission. Il aurait dû passer le pouvoir au Président du Sénat, selon la Constitution malgache... La Constitution est une valeur non négociable ».
+ : D'après vous, est-ce que le retour de Marc Ravalomanana serait la sortie à cette crise ?
= : « Je suis pour une sortie durable de la crise. On avait jusqu'au 17 mars dernier un Président élu démocratiquement et ce qu'on a aujourd'hui, c'est autre chose. Pour mon pays, il s'agit d'un coup d'Etat, on ne va pas le reconnaître et on ne va jamais travailler avec ce gouvernement. On réagit en fonction de nos principes ».
+ : Pourtant, vous parlez d'un coup d'Etat ?
= : « C'est un coup d'Etat en deux temps : des intimidations et des menaces directes et indirectes, puis ce qui s'était passé plus tard à Antanimena où je pensais qu'on aurait dû discuter d'une manière sérieuse et dans la sérénité d'une sortie de crise. De même pour la HCC, cela entre dans ce climat des intimidations ».
+ : Il y avait déjà une rencontre avec la communauté internationale, il y a quelques semaines, avec le Chef de gouvernement Monja Roindefo, cela n'est-il pas déjà le début d'une coopération entre la communauté internationale et le régime transitoire ?
= : « Personnellement, je n'étais pas présent puisque j'ai été dans le Sud, auprès de la population victime de la sècheresse, histoire de faire savoir au monde entier qu'il n'y a pas que cette crise politique à Madagascar. Nous étions dans la partie sud du pays car un projet de relance de la culture de sorgho a été initié avec notre assistance. Et pour votre information, cette assistance à Madagascar s'élève à 100 millions de dollars par an dont 17 millions pour l'assistance aux appuis alimentaires. Pour cette rencontre, la communauté internationale est venue écouter, et nous écoutons jusqu'aux élections présidentielles que nous exigeons se tenir avant la fin de cette année. Une mission conjointe des Nations unies, de la Sadc et de l'Union africaine sera sur place pour évaluer la faisabilité de l'élection. Madagascar a intérêt à organiser une élection présidentielle avant la fin de cette année, car s'il n'y a pas une décision d'ici là, on craint que l'éligibilité de Madagascar au sein de l'Agoa risque d'être compromise ».
+ : La conférence nationale se tiendra bientôt. Quel est votre avis sur la tenue d'une telle rencontre ?
= : « Cette rencontre devrait s'inscrire dans le cadre de la recherche d'une solution consensuelle de la crise. Ainsi, elle devrait être organisée par un organisme neutre, la société civile ou les « Raiamandreny » par exemple, mais non pas par le gouvernement de la transition. La neutralité des églises a été déjà compromise après l'incident de l'Episcopat».
+ : Certains hommes politiques ont souhaité l'intervention de l'armée de la Sadc. Est-ce une meilleure voie pour sortir Madagascar de la crise ?
= : « L'arrivée des soldats étrangers est un facteur de déstabilisation ».
Recueillis par Jean Luc Rahaga et Alphonse Maka